Au terme d’une année 2025 marquée par la commémoration des 500 ans de l’anabaptisme, comment poursuivre le mouvement et transmettre la foi ? Philippe Klopfenstein, ancien de l’Église mennonite de la Prairie de Montbéliard, relit cette histoire pour en dégager les ressorts. Les mêmes dynamiques qui ont bouleversé l’Église il y a cinq siècles peuvent encore transformer nos communautés aujourd’hui.
Le 500e anniversaire de la Réforme radicale a été l’occasion d’analyser ce qui a favorisé la transmission de la foi dans le mouvement anabaptiste. On peut mettre en évidence quatre facteurs fondamentaux : le Réveil, les responsables, les choix théologiques et une transmission adaptée. En fait, ces facteurs transcendent les époques depuis 2000 ans, et je me suis permis de les appliquer à notre temps et localement à l’Église de Montbéliard, afin de m’ancrer dans une réalité que je connais. À chacun de transposer ces facteurs dans son contexte.
Un réveil
Toute transmission de la foi commence par un Réveil. De la première Pentecôte à l’émergence du mouvement au 16e siècle, en passant par le début du 20e siècle en France ou dans les années 1980 dans notre groupe de jeunes… : le démarrage est toujours un retour à Dieu avec des conversions radicales.
On attend le Réveil, on prie pour le Réveil, mais le Réveil commence par moi lorsque j’ouvre la Parole et que je passe du temps avec Dieu ! C’est une transformation spirituelle obligatoire, car on ne sait bien transmettre que ce qui nous habite. J’ai été vraiment touché en relisant les récits de conversions de ces femmes et de ces hommes, leurs recherches authentiques de ce que Dieu disait dans sa Parole, leurs interrogations, leurs doutes… J’ai été frappé par ce foisonnement spirituel qui rayonne, cette effervescence fertile entraînant parfois des excès. Mais quand on relit ces histoires en les reliant aux événements qu’elles ont déclenchés et aux vies transformées, il est aisé de discerner l’action de l’Esprit.
C’est le même Esprit qui veut aussi nous vivifier !
Des responsables engagés
Ce Réveil a besoin de responsables d’Église qui, renouvelés par Christ, s’engagent avec zèle. J’ai été frappé par la consécration de ceux qui se sont engagés : plus rien ne comptait, même pas leur vie… L’Église a besoin de responsables qui se laissent toucher par le Saint-Esprit.
À la Pentecôte au 1er siècle, au 16e siècle, en 1900, ou après la 2e Guerre mondiale et jusqu’à maintenant, l’Église s’est transformée car des responsables ont été eux-mêmes transformés. Ils se sont parfois trompés, mais ils se sont engagés en comptant sur Dieu, en s’attachant à Jésus et en écoutant l’Esprit. J’ai vu leur débauche d’énergie, leur zèle renouvelé… Je sais que Dieu voit leur dévouement !
Un responsable qui s’attache à Jésus et s’engage quels que soient les risques ou les efforts va faire la différence.
Des choix théologiques
Ces responsables vont faire des choix théologiques forts qui amènent à des changements concrets. En effet, la culture prend vite le pas sur l’Évangile ! Je ne reviens pas sur les choix faits à la Conférence de Jérusalem, au 1er siècle. Au 16e siècle, le Réveil se débarrasse avec courage des dogmes de l’Église non conformes à l’Évangile. En 1900, pour démontrer que la Parole est une lampe à nos pieds, les responsables mennonites en France choisissent de promouvoir la Bible en français à la place de l’allemand dans les familles. À la même date, interpellées par l’ordre de Jésus de « faire de toutes les nations des disciples », les Églises sortent enfin de leur isolement en nommant des évangélistes itinérants pour raviver la flamme au sein des communautés, et en envoyant leurs premiers missionnaires. La première réunion d’évangélisation à Montbéliard a lieu en 1947. Au 21e siècle, comme cet ordre est toujours plus brûlant, l’Église de Montbéliard décide de faire entrer le monde dans l’église : on coupe la haie qui nous sépare de la ville, on installe des baies vitrées dans le hall avec un café et une librairie ouverts en semaine. Les cultes sont repensés afin d’être plus adaptés à notre temps…
Jusqu’à quel point sommes-nous capables de mettre de côté notre culture, nos traditions d’Église pour nous interroger sur leur pertinence ?
Comment la compréhension du texte biblique et les besoins de notre monde se traduisent-ils par des changements concrets pour l’Église ?

Une transmission adaptée à notre temps
Ces femmes et ces hommes réveillés par l’Esprit utilisent tous les moyens de transmission possibles pour véhiculer ce message. Jésus et les apôtres ont profité de la Pax Romana, des voies romaines et de la langue grecque (langue véhiculaire du moment) pour voyager et propager l’Évangile. À la Réforme, l’imprimerie est devenue le principal vecteur de diffusion de la Bible. Ces dernières décennies, des chrétiens se sont engagés pour apporter l’Évangile à leur génération au travers du rock, du rap et de tant d’autres styles musicaux. À l’Église de Montbéliard, en 2020, le Covid nous a précipités dans la retransmission de nos cultes sur les réseaux sociaux. Nous savons que nous prenons des risques à nous exposer, mais c’est notre manière d’être une lampe qui se voit sur la colline.
Nous pouvons discuter longuement sur les canaux de transmission et leur bien-fondé théologique. Ils ne sont ni mauvais ni bons en soi. C’est la manière de les utiliser et le contenu qui doivent poser question. Ils changent en permanence et de plus en plus vite.
Il est ainsi fondamental de réfléchir à partir de mon contexte local : quels sont les nouveaux moyens que je dois utiliser pour atteindre mes contemporains ?
Ce qui importe vraiment
Ce qui importe vraiment, c’est notre cœur et de laisser Dieu le percer. Pierre, dans son discours de la Pentecôte, donne l’explication de cette effervescence contagieuse : « Dans les jours de la fin des temps, je répandrai de mon Esprit sur tous les hommes. » (Ac 2.17)
Mon cœur, ma prière, c’est que chacun vive un nouveau Réveil spirituel et que cela bouleverse l’Église de la même manière qu’il y a 500 ans… Rien n’est plus beau et plus contagieux qu’une Église bouleversée et dirigée par Jésus.
Texte:
Philippe Klopfenstein










